jeudi 28 novembre 2013

Hélène Vanthier : compréhension et production écrite en classe bilingue


 Dans le cadre d'un appel à projet auprès du fond bilingue de l'Institut français, nous avons eu le plaisir d'accueillir durant le mois d'Octobre à San José Hélène Vanthier pour une semaine de formation sur l’écrit en classe bilingue.

Hélène Vanthier travaille pour le centre de linguistique appliqué de l'université de Franche-Comté. Professeur des écoles, maitre-formateur, chargé de cours en didactique des langues, elle a également écrit un ouvrage sur l'enseignement du Français Langue étrangère pour les enfants et publie actuellement une méthode de FLE pour jeunes élèves appelée Zigzag.
Riche de sa double expérience de terrain école primaire-FLE et de ses recherches qui en découlent, Hélène Vanthier a proposé une formation très adaptée aux besoins des enseignants des sections bilingues du Costa Rica.

Après un état des lieux des besoins et difficultés rencontrées en classe, nous avons donc abordé différentes thématiques liées à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture en milieu bilingue.















L'acte de lire : un acte complexe en langue source, qui l'est encore plus en langue "seconde".

Comment apprendre à lire en français  ?
On sait qu'il s'agit d'un long processus qui n'est déjà pas aisé pour un petit français. Il l'est encore moins lorsqu'il s'agit d'apprendre à lire et écrire dans une langue qui n'est pas "maternelle".
On sait également que lire ce n'est pas seulement déchiffrer des lettres, des syllabes pour former des mots et des phrases sinon que c'est aussi comprendre ce qu'on lit. Or la compréhension passe par la connaissance d'un répertoire de mots suffisants et l'élève doit pouvoir reconnaitre ces mots globalement pour accéder directement à  leur sens. Si un élève doit déchiffrer tous les mots qu'il lit, toute sa concentration ainsi qu'une bonne partie de sa mémoire sera mobilisée par cette procédure qui est cognitivement lourde, cela rendra l'accès au sens beaucoup plus difficile voir impossible. 
Pour lire, un apprenant doit donc mobiliser différents types de compétences, user de stratégies, de types d’intelligences et de mémoires différentes... Il doit être capable d'émettre des hypothèses sur ce qu'il a devant les yeux et y chercher des indices... que ce soient dans les mots, les phrases ou les types de texte qu'il rencontre. 

Pour parvenir à cela, l'élève doit partir de ce qu'il sait déjà et pour Hélène Vanthier cela passe forcément par l'oral. Le point de départ reste donc le même indépendamment de langue étudiée : connaitre les unités sonores de la langue pour que l’écrit fasse sens. En effet comment peut on comprendre un mot à l'écrit si on ne sait pas ce qu'il signifie à l'oral ?
Partir d'un stock de mots, de sons connus, de structures de texte clairement identifiables par l’élève lui permet donc de fonctionner par analogies et comparaisons. L’élève est donc ainsi invité à prendre de la distance vis a vis de ce qu'il apprend et développe par le même biais des compétences méta et épi-linguistiques (capacités d'observation du fonctionnement de la langue).

Petite parenthèse  : prenons l'exemple du mot papillon. Pour que le jeune élève costaricien puisse le lire et le comprendre en francais, il doit certes le déchiffrer mais aussi faire correspondre ce qu'il entend quand il déchiffre avec l'image que cette écriture représente (celle du papillon). Ce travail est donc impossible si l'élève n'avait pas été mis en confrontation auparavant avec le mot en français papillon, très différent de son homologue en espagnol mariposa. De plus, en ayant été mis en contact avec ce mot, il parviendra à le reconnaitre directement sans déchiffrer car il l'aura mémorisé de manière globale. (on parle de compétence idéographique et automatisation de procédures de déchiffrage).
Enfin, ce que l’élève connait du mot papillon pourra être transféré à d'autre mots pour élargir son vocabulaire. Il saura par exemple qu'en français le graphème on se prononce [on] et pourra le réinvestir.



             

 A un niveau d'analyse plus large (celui du texte)  nous avons ainsi pu nous mettre à la place de l’élève et des difficultés qu'il rencontre face à un texte de langue qui n'est pas la sienne en étant confronté à divers types d’écrits en langue étrangère.
Amusant donc de comprendre le sens global d'une recette en polonais bien qu'on ne connaisse rien de cette langue. La reconnaissance du type d’écrit (ici la structure de la recette facilement identifiable) et la présence de quelques mots transparents permettent une compréhension globale sans pour autant avoir les compétences grammaticales ou lexicales pour en comprendre la totalité.

A l'inverse, des textes écrits en français nous deviennent incompréhensibles (textes scientifiques par exemple) bien qu'étant lecteurs experts. En effet si le nombre de mots inconnus est trop élevé nous ne pouvons comprendre le texte de manière précise. Au dessus de 10 à 15% de mots inconnus, on estime qu'on ne peut comprendre un texte précisément. C'est d'ailleurs pourquoi les textes utilisés par les manuels et méthodes de lecture francophones ne sont que très peu adaptés à l'apprentissage de la lecture en milieu bilingue, car il demandent un vocabulaire de base qu'un enfant étranger ne peut avoir acquis.

Comment donc un enfant peut apprendre a lire en Français langue étrangère ?  La question n'est pas si différente que lorsqu'il s'agit de sa langue maternelle... il s'agit de lui  donner les moyens de comprendre et d'évoluer en fonction de ce qu'il sait déjà.

Hélène Vanthier

 Et la production écrite ?

Elle répond finalement à la même question de fond que celle liée à 'apprentissage de la lecture.
Comment permettre à l'élève d'écrire un texte si on ne  lui donne pas un cadre suffisant pour le faire ?

Nous avons constaté lors de l'échange de pratiques que si l'élève montrait des difficultés à produire à l'écrit c'est parce qu'il se perdait dans un certain flou didactique... L'élève devrait toujours être capable d’émettre des hypothèses sur l’écrit qu'il a en face des yeux. Recherche de vocabulaire inconnu, mobilisation d'un éventail de compétences trop large, type de texte peu reconnaissable... le manque de cadre ne permet pas à l'élève de réellement s'exprimer par l'écrit et de formuler ces hypothèses.  C'est pourquoi travailler sur vocabulaire restreint, et sur des textes à structure forte (telle que la recette, la lettre, la carte postale, une chanson ou un poème à structure répétitive) sont des moyens de permettre à l'élève d'écrire, en faisant appel à son imagination tout en lui donnant les repères linguistiques nécessaires. 
A la suite de cette réflexion collective nous avons donc été amenés, lors de travaux en ateliers à construire des séquences pédagogiques pour travailler la production écrite des élèves selon les différentes niveaux en Français du cadre européen de compétences.


 
Des pistes pour 2014 :
Après un moment de bilan, de nouveaux besoins et pistes de formation ont été évoquées pour l'année à venir. Parmi elles : la construction de grilles d'évaluation selon chaque cycle pour faciliter le passage de la maternelle à la primaire et de la primaire au secondaire, passages qui sont assez rudes dans le système costaricien (cf article rentrée 2013).
Cette construction de grilles, impliquera par ailleurs une réflexion importante sur l'évaluation. 
Qu'évalue t-on ? Quelles compétences de quel programme ? A quel moment, pourquoi et comment ?
Ce travail sera d'autant plus important qu'au Costa Rica on est encore dans une logique d'évaluation sommative :  on prépare davantage les enfants aux différents examens qu'ils auront durant l'année qu'on leur permet de construire leurs propres savoirs.
 
Cela a de nombreuses conséquences que j'ai pu observer en classe : l'élève a peur de se tromper, il cherche sans arrêt l'approbation du professeur et il manque d'autonomie. L'obtention d'une bonne note reste le moteur principal de la motivation de l'élève
Ainsi, passer d'une logique de transmission de connaissances à celle de construction de compétences ne peut se faire sans une profonde réflexion sur l'évaluation dans le système costaricien.
Place et traitement de l'erreur, stratégies d'apprentissage, gagner en autonomie, ou compétences transversales sont autant de thématiques de travail à venir pour les enseignants des sections bilingues.

 La formation s'est terminée par la distribution des méthodes FLE "zigzag" pour jeunes élèves. Un grand merci donc à Helene Vanthier pour sa disponibilité, sa sympathie et pour avoir proposé une formation aussi complète que vivante. A bientôt pour les SEDIFRALE.


 
L'équipe des sections bilingues costariciennes.





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